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Il y a des moments qui nous marquent.
Parfois tristes, souvent heureux.
Mais celui-ci était tout simplement magique.

Le fjord Saguenay

J’étais dans le fjord du Saguenay. C’était la toute première fois que j’allais à l’ancre dans la baie de Tadoussac.

Pour ceux qui ne sont pas familiers, c’est à l’embouchure du fjord du Saguenay, lui-même situé dans la province de Québec, au Canada et accessible via le fleuve Saint-Laurent.

J’y suis arrivé en fin de journée. Un peu avant le coucher du soleil. J’ai eu un peu de difficulté à me trouver un bel emplacement. Disons que cette baie est très populaire, car elle constitue l’un des rares mouillages dans le fjord.

À certains endroits, le fond disparaît rapidement. Il faut avoir une bonne touée (la touée, c’est la longueur de la chaîne et de câblot utilisée pour l’ancre) afin de s’assurer d’une bonne prise et d’un bon maintien, surtout en prévision d’un vent du sud. Pour te donner une idée de comment les fonds disparaissent rapidement : derrière mon bateau, il y avait 4m d’eau et devant, un gros 10m. Et mon bateau est un 9.5m. Donc, c’est un peu compliqué … J’ai dû remonter deux fois la totalité de mon mouillage, c’est-à-dire 15m de chaîne et 50m de câblot 5/8. Manuellement. C’est très bon pour le cardio et les biceps;-).

Finalement, j’ai tout de même réussi à me trouver un «beau spot», juste entre deux «moorings» occupés (aussi appelé coffre ou tangon. C’est un dispositif qui sert à s’attacher et qui est accroché soit à un très gros bloc de ciment, ou encore vissé au fond, voir mon article à ce sujet : https://vikingrchronicles.ca/prendre-un-coffre/ ).

Le temps de me débarbouiller un peu et de prendre un bon repas chaud, que rapidement le sommeil se fait sentir. Nótt m’accompagne (c’est le dieu de la nuit dans la mythologie nordique;-) ).

Nuit noire, devenue blanche

Pendant la nuit, qui était très calme, sans vent ni vague, je me suis fait réveiller par d’étranges sons. Sans être très distincts au départ, ils n’étaient pas moins curieux. Assez du moins, pour me faire sortir de sous la couette.

Dehors, c’est frais. La température de l’eau est d’environ 4°C ce qui rend les planchers très froids! La température extérieure est de plus ou moins 17 degrés. On y est bien. L’odeur de la mer et la petite brise saline finissent par mieux me réveiller.

Et je me concentre davantage sur les sons…

Excusez-moi, madame!

Dans un premier temps, j’ai l’impression qu’ils viennent du bateau d’à côté, accroché à son mooring. Un très beau voilier d’une bonne quinzaines de mètres avec plusieurs boiseries. C’est un bateau classique comme je les aimes. À mon arrivée, il avait attiré mon attention.

Non sans étonnement, mais surtout d’une petite gêne, je crois que ce que j’entends ce sont les ébats amoureux des propriétaires… Ce n’est pas la première fois que cela m’arrive, mais disons que ceux-ci sont très perceptibles! La coque d’un navire, surtout en fibre de verre, n’est pas très discrète, si tu vois ce que je veux dire. J’allais donc rentrer pour leur laisser toute leur intimité quand je me suis rendu compte que le bateau n’était pas occupé. Le petit pneumatique qui l’accompagnait n’était plus accroché. Indice que personne n’était à bord.

Curieux, je suis resté quelques minutes de plus… et cela a été l’une des plus belles expériences que j’ai vécu de toute ma vie.

Le chant des bélugas

Je me suis concentré sur les sons. Ils ne provenaient pas du tout du bateau a proximité. J’ai vite conclu que c’était le chant des baleines. Plus particulièrement, celui des bélugas. C’était magnifique. Plus que magnifique. Magique! Extraordinaire. Je suis resté là, une bonne partie de la nuit à les entendre chanter à l’unisson.

Au fur et à mesure que la nuit avançait, ils étaient de plus en plus près de moi. Je ne pouvais les voir malheureusement, mais je les entendais très distinctement. Je devinais leur emplacement. De plus en plus et à mon grand bonheur, ils se rapprochaient de moi! J’aime à croire qu’ils me savaient là, attentifs à leurs chants.

L’espace d’un instant, mon instinct s’est réveillé. J’avais l’impression de comprendre leur signification. Du moins, je sentais l’émotion transmise. Sans dire que je communiquais avec eux, je crois que j’ai été un spectateur attentif et très respectueux. Sans bouger, sans un mot, j’ai participé passivement au plus beau concert auquel j’ai assisté de ma vie. Il va sans dire que justement, les mots me manquent pour te décrire comment je me suis senti. Combien cela est venu chercher en moi de profonds instincts; bien enfouis depuis des générations… probablement très primaires.

Cela a duré comme ça jusqu’au petit matin. Avec quelques pauses de plusieurs minutes. Pendant l’une d’elle, j’en ai profité pour aller chercher ma caméra GoPro pour enregistrer les sons. J’ai attaché ma caméra et l’ai reliée au bateau avec une amarre. J’ai ensuite laissé filer environ 10 m sous le bateau. Sans savoir quel serait le résultat. Qui fut étonnant…

De ma vie de marin, c’était la plus belle nuit et l’une des plus belles expériences! Un moment incroyable, magique et enveloppé d’une tendresse difficilement explicable. Je ne suis pas prêt d’oublier. Merci la vie, merci les bélugas, merci Tadoussac de m’avoir fait vivre ça!

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