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Note avant de lire : Dans ce texte, je parle du voilier Caribou. C’était le nom de mon bateau avant que je ne décide de changer son appellation pour VIKINGR.

Le 12 juillet 2020, la vie me réservait une surprise…

Ce jour-là, le soleil se lève à cinq heures et déjà il fait 20°C. Il pleut.  Vers 10 heures, c’est beaucoup mieux, un confortable 24°C, sans trop de nuages. Un léger vent du nord-ouest, sporadique, incertain. Mais, des rafales sont annoncées pour l’après-midi, parfois fortes…

Je n’ai pas l’intention de m’éterniser sur ce fameux hublot qui me donne du «fil a retorde» depuis deux jours. J’en suis à me seconde tentative pour le réinstaller. Il fuyait, pas mal. Plus que les autres qui sont encore acceptables. Il est petit, je croyais bien m’en tirer facilement. Bien non. Mais ça ira à demain! Pour l’heure, le vent se lève!

Vers 11 heures, je quitte donc la marina Le Bourg D’eau, dans le coin de Berthierville. Direction: le sud sur le fleuve Saint-Laurent. Les vents sont calmes et changeants. Parfois du sud-est, ils passent au nord-ouest en faisant une pause au nord. Trois ou quatre nœuds tout au plus. Je hisse la grande voile. Je veux faire quelques tests.

La première heure se passe bien. Même si les vents sont faibles et changeants, cela me donne l’occasion de pratiquer mes empannages, que je ne maitrise pas encore parfaitement. Surtout quand les vents sont faibles comme aujourd’hui. Je dois parfois le faire manuellement, c’est-à-dire en tirant avec l’une de mes mains sur le palan de la bôme, tellement les vents sont faibles.

Les rafales annoncées font finalement leur apparition. Faibles au début, elles se font de plus en plus fortes au fur et à mesure que le temps passe. Mais entre elles, toujours pas de vent soutenu. Et moi, je m’entête à faire les empannages manuellement.

Et puis, c’est la catastrophe…

Répéter sans cesse la même erreur n’en fait pas une erreur plus acceptable

Depuis plusieurs minutes maintenant, je file vers l’est et je me dis que c’est peut-être le temps de changer de cap et de faire un autre empannage, histoire de me pratiquer encore un peu. La grande voile est du côté bâbord (du côté gauche quand on regarde vers l’avant), complètement perpendiculaire au bateau.

Alors que je m’apprête à faire mon changement de cap (et mon empannage), je lève les yeux en direction de la tête du mat et je regarde la girouette qui m’indique le sens du vent : pas de changement, vent arrière! La brise est très faible, le Caribou peine à avancer, je devrai probablement encore une fois entreprendre un empannage manuel.

Malheureusement pour moi, cela ne se passera pas comme prévu. Une violente bourrasque frappe le Caribou, franc nord!

Et puis…

Cette photo à été prise le matin du 12 juillet 2020, quelques minutes avant mon départ…

Une douleur atroce!
 …

La chute de la grande voile se trouvant du côté très exposé à cette rafale commence à «flacotter» violemment. Je suis surpris de la violence du vent et je n’ai pas le temps de réaliser que la bôme vient de quitter sa position initiale et est en direction de la poupe. À une vitesse tout près de celle de la lumière.

Dans la fraction de seconde qui va suivre et dans un pur réflexe, je tente d’attraper au passage le palan de la grande écoute de la grande voile (sur la photo ci-dessus, le fameux palan). Comme je suis un peu penché vers l’avant, afin d’éviter que la bôme me fracasse le crâne, mon bras gauche est pleinement étiré. Il n’a qu’un endroit vers où se diriger pour poursuivre dans la même direction que le mouvement de la bôme. C’est-à-dire vers l’arrière…

S’en suis une douleur atroce! Je pose un genou par terre et je regarde, incrédule, mon bras gauche pendre littéralement au fond du cockpit. Avec ma main droite, j’empoigne mon avant-bras gauche que je monte à la hauteur du sternum et je le redépose sur mon genou. J’ai le bras totalement paralysé. J’essaie de le bouger, il ne se passe rien. Pour un instant, j’ai le vertige…

Le Caribou hors de contrôle…

Pendant ce temps, Le Caribou accélère et personne pour le manœuvrer. Sans trop y penser, je tente d’affaler (baisser) la grande voile qui est encore bien bordée. Le vent souffle fort. Comme je n’ai qu’une seule main, j’agrippe la drisse située tout près de l’entrée du carré, je m’assois sur le banc à bâbord et je place mes deux pieds sur le côté de l’entrée du carré. Je tire de toutes mes forces afin de la déloger de son taquet,  qui finit par se décoincer. Mais la grande voile refuse d’affaler. Le vent la gonfle et le voilier gite un moment.

Le Caribou finit par se tourner par lui-même face au vent, ce qui occasionne finalement l’affalement de la grande voile. Il s’immobilise un instant puis commence à dériver en suivant le courant.

J’arrive difficilement à ouvrir les deux yeux, je crois que je suis sur le bord de l’évanouissement. Les couleurs sont d’une telle clarté…

Par instinct plus que par toutes autres choses, je lance le moteur qui démarre au premier coup. Merci, André Renaud, pour ton excellent travail de mise au point! Je prends la barre franche dans ma main droite que je tire vers moi. Je ne sais pas vraiment quoi faire en ce moment. J’essaie de trouver un moyen de revenir à la marina, ou de ne pas tomber dans les pommes. Je réalise rapidement que je dois demander de l’aide.

Que Dieu bénisse les VHF portatifs!

J’attrape ma VHF portative que je conserve à la ceinture. Je dois me résoudre à faire un Mayday.

Mayday Mayday Maday, ici Le Caribou Le Caribou Le Caribou, en face des usines de Sorel, un peu vers l’entrée du petit chenal de Berthierville, voilier blanc semi-affalé, 30 pieds. J’ai probablement un bras fracturé.

La Garde Côtière du Canada, équipe 1205 de Sorel-Tracy prend immédiatement l’appel. 10 minutes plus tard, ils sont à bord! Ce sont quatre jeunes personnes, très professionnelles. Je me sens immédiatement pris en charge. Je respire un peu mieux.

L’un d’entre eux me place une attelle qui immobilise mon bras. La douleur est plus intense, mais en même temps, je reviens un peu à moi. Ce jeune homme paisible et posé continue de discuter avec moi calmement, probablement pour éviter que je tombe dans les pommes. Merci, je te dois une fière chandelle!

Lentement, mais surement, on se dirige vers la marina de Sorel-Tracy, parc Nautique Regard sur le Fleuve où m’attend une ambulance qui m’amènera à l’hôpital de Sorel-Tracy. J’ai perdu un peu la notion du temps. Mais, je n’ai pas perdu le sentiment d’avoir été aidé par des gens compétents et réactifs!

Pour la première fois de ma vie, à 54 ans, je me suis senti vulnérable…

J’ai toujours été celui sur qui on pouvait compter. Venir en aide aux personnes autour de moi, rendre un petit service ici et là, prendre soin des plus faibles, des plus vulnérables. Même jeune, au secondaire, j’avais la responsabilité de m’occuper d’un handicapé intellectuel. Ma vie d’adulte m’a amené là où très peu de gens sont allés. J’ai servi mon pays pendant quelques années. J’ai toujours aimé ce rôle, celui qui protégeait les autres. Et ce 12 juillet, j’ai accepté qu’il en soit autrement, et la vie allait me le rendre de belle façon.

Un merci tout spécial à Marjolaine Gauthier, Florence Meunier, Léo Croufer et Charles Olivier-Drolet qui étaient en devoir cette journée-là et qui par leur professionnalisme, on fait que je ne conserverai pas de séquelle de cet accident. Merci, 1000 fois merci!

Je tiens aussi à remercier mon ami Francis Forest qui m’a gentiment offert l’hospitalité la nuit suivant mon accident. Ton sandwich à la dinde fumée était probablement le meilleur sandwich que je n’aurai jamais mangé de toute ma vie!

Merci aussi à la Sureté du Québec d’avoir ramené Le Caribou à son port d’attache. Merci aux deux ambulanciers sympathiques qui n’ont pas trainé pour m’envoyer à l’urgence. Merci à la préposée aux bénéficiaires, je crois, je ne suis pas certain de ton titre, mais si tu lis ceci, tu vas te reconnaitre! Merci de m’avoir aidé!

Et merci aussi à tous ceux et celles qui ont participé, de près ou de loin, à la bonne marche de toute l’opération. Je ne vous nommerai pas, de peur d’en oublier!

Et qui par ton dévouement personnel, merci à toi la Sorcière bien-aimée qui a fait que ma convalescence (qui n’est pas encore terminé au moment d’écrire ces lignes… ) s’est passé de la meilleure façon souhaitable!

Pour la petite histoire, finalement, j’ai eu une fracture double de l’humérus, une dislocation de l’épaule et du coude gauche, fracture du poignet gauche et de nombreux muscles et tendons déchirés/étirés.

 

*** UPDATE DU 12 JUILLET 2021

Tout va bien! J’ai récupéré à 100%. Avec en prime, un baromètre portatif. Encore merci à tous ceux et celles qui me sont venu en aide! L’aventure continue!

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